Parkinson : le bouleversant témoignage de Yann Arthus-Bertrand
Yann Arthus-Bertrand, le célèbre photographe écolo, confie pour la première fois le drame qui touche son épouse Anne, atteinte depuis dix ans de la maladie de Parkinson. Il lance un appel pour une meilleure prise en charge de ce mal.
Elle est aussi menue et discrète qu’il est costaud et hâbleur. Mais, hier, c’est elle qui semblait la plus forte des deux. Mariés depuis vingt-six ans et parents de 3 enfants, Anne et Yann Arthus-Bertrand luttent depuis plus de dix ans contre la maladie de Parkinson. Agée de 61 ans, c’est elle qui en est atteinte. Mais ce sont ses yeux à lui qui se remplissent de larmes lorsqu’il évoque les souffrances de sa femme.
A l’occasion de la Journée de lutte contre Parkinson hier, le célèbre photographe des paysages vus du ciel et son épouse ont décidé pour « le Parisien » et « Aujourd’hui en France » d’évoquer pour la première fois leur parcours du combattant. Un témoignage en forme de déclaration d’amour qui touchera les 150000 personnes en France qui vivent avec cette pathologie.
Pourquoi avez-vous décidé de révéler cet aspect de votre vie privée aujourd’hui?
Yann Arthus-Bertrand. (Les larmes lui montent aux yeux.) Pour dire aux malades qu’ils ne sont pas seuls. On s’est sentis tellement paumés, les médecins nous ont baladés durant dix ans. On a tout tenté, même les guérisseurs. Et puis, il y a trois mois, un ami m’a parlé de l’association France Parkinson. Cela a changé notre vie. Anne a un nouveau médecin, un nouveau médicament et va beaucoup mieux. Il faut que les malades sachent que cette association existe.
Anne Arthus-Bertrand. Je suis psychologue et je sais que c’est le manque d’accompagnement dans le stress qui est difficile à vivre dans la maladie. Les patients ont besoin d’être soutenus, ce que les neurologues d’une manière générale ne savent pas faire. Pour eux, Parkinson comparé à d’autres pathologies lourdes n’est pas une maladie grave. Ils ont donc une tendance à sous-informer leurs patients, à les laisser se débrouiller tout seuls.
Yann. Un livre blanc avec une série de propositions a été déposé sur le bureau du ministre de la Santé il y a un an. J’ai passé un coup de fil à Xavier Bertrand pour lui en parler. Je suis bien décidé à faire tout ce je peux pour que les choses avancent.
Anne, comment avez-vous découvert que vous souffriez de cette maladie?
Anne. C’était il y a un peu plus de dix ans, j’avais 50 ans. Ma main gauche se crispait de temps en temps. J’ai d’abord consulté un rhumatologue qui a détourné le regard et m’a conseillé d’aller voir un neurologue. Puis je suis allée voir un kiné. Il a été très évasif. Je pense qu’ils savaient mais n’ont rien dit. De mon côté, je n’ai pas du tout pensé à Parkinson. Je croyais que cette maladie ne touchait que les personnes âgées. Le neurologue a mis quelques minutes pour m’annoncer son diagnostic. Et m’a laissé repartir avec mon fardeau et mes questions. C’était le début d’une longue incompréhension avec le corps médical. En tout, j’ai fait six ou sept neurologues.
C’est tout de même étonnant que votre célébrité ne vous ait pas aidé?
Yann. Effectivement, et on imagine ce que cela doit être pour les anonymes. Je ne vous cache que j’ai parfois passé des coups de fil, mais cela n’a servi à rien.
Anne, l’avez-vous tout de suite annoncé à votre époux?
Anne. Non. (Yann, de nouveau, peine à retenir ses larmes.) J’ai mis quelques jours à lui en parler. En parler à Yann, cela voulait dire que cela devenait réel.
Yann. Lorsqu’elle me l’a dit, cela a été terrible. Grâce à mon métier, j’avais entendu parler de cette pathologie à travers des sujets sur les pesticides. Des études ont montré un lien évident entre les deux. J’étais effondré et très en colère contre le déni collectif vis-à-vis de ces produits.
Quels sont les symptômes?
Yann. Anne se contracte de l’intérieur, ce qui provoque des douleurs insupportables. En décembre, j’ai vu ma femme devenir une espèce d’épave, elle était totalement déprimée, ne voulait plus qu’on l’approche. Je ne pouvais rien faire. Pour moi qui suis un homme d’action, cela a été très dur à vivre.
Anne. Mon problème, c’est le côté gauche. Parfois, c’est la danse de saint Guy. (Elle sourit.) Parfois, je reste totalement figée et c’est le plus pénible. On m’avait dit que les dix premières années, c’était la lune de miel, que la maladie serait supportable. En décembre, je suis sortie de la lune de miel. Toutefois, je continue de travailler. C’est très important pour moi.
Cette maladie vous a-t-elle rapprochés?
Anne. Oui. Yann est beaucoup plus présent, me protège davantage.
Yann. Je suis quelqu’un d’obsédé par mon travail. Je n’ai pas été assez là. (Ses yeux rougissent, elle pose sa main sur son dos pour le réconforter.) Ces trente dernières années, Anne s’est beaucoup occupée de notre famille. C’est mon tour.
Article publié par Alexandra Echkenazi, source: leparisien.fr