LA MALADIE

Il était une fois la maladie: de la catoche à la maladie de Parkinson

Bien sûr, la maladie est plus connue sous le nom du médecin britannique Parkinson. Mais elle existait bien avant et son remède principal aussi. Tous deux furent longtemps tombés dans l’oubli.

L’Antiquité

En Inde, il y a plus de 6 000 ans, on retrouvait le terme Kampavata. Dans le vaste traité médical de l’Ayurvéda, on décrivait plusieurs maladies présentant des tremblements. L’une d’entre elles ressemble beaucoup au Parkinson. Les tremblements alors étaient attribués à Vata, représentation des éléments de l’air et de l’éther liés à la circulation, la respiration et les fonctions motrices entre autres. On proposait alors comme traitement une plante: la Mucuna Pruriens aussi connue vulgairement sous le nom de haricot de velours ou de pois Mascate. Ce qui n’est pas dénué de bon sens, la partie interne de la gousse contient de la dihydroxyphénylalanine mieux connu sous le nom de Lévodopa qu’on utilise actuellement. Puis pour plus de 6 000 ans, la maladie et son remède disparaissent des écrits médicaux. 

Il faudra attendre plus de 200 ans après Jésus-Christ pour la voir réapparaitre sous la plume de Claudius Galien qui décrivit à son tour diverses maladies avec tremblements. Parmi celles-ci, on trouve cette description: il s’agit d’une affection cérébrale avec sopor, engourdissement, rigidité et immobilité du tronc et des membres, enfin avec écartement des paupières et fixité du regard. Le patient git sur son lit, rigide, comme fait de bois, tremblant, constipé, et ayant des problèmes psychiatriques. Galien nomme cette maladie: la catoche, d’un verbe latin signifiant retenir, saisir. 

Puis on oublie à nouveau

De nouveau la maladie semble passer aux oubliettes, si bien qu’on en retrouve la trace seulement en 1680 alors que John Aubrey, un écrivain et érudit anglais surtout connu pour ses recueils de courtes biographies, relatait dans l’une de celles-ci que le philosophe Thomas Hobbes souffrait de paralysie tremblante des mains. Aubrey écrivait au sujet de Hobbes: «Il n’a plus pu écrire lisiblement depuis 1665 ou 1666. J’ai pu l’observer dans certaines des lettres qu’il m’a écrites.» (Référence : Aubrey, John, Briefs Lives, Clarendon Press, Oxford, England, 1898. P.352)

Puis un médecin méconnu

Le docteur Ferenc Papai Pariz, un médecin hongrois, écrivit un texte qui pour la première fois dans l’histoire décrivait parfaitement la maladie de Parkinson selon ses quatre signes distincts: le tremblement au repos, la rigidité, la lenteur du mouvement et l’instabilité posturale. Mais le livre de Pariz a été publié en Hongrie et ne connut qu’une diffusion des plus limitées, autrement, il serait fort à parier que la maladie porterait le nom de Papai Pariz. Ce texte a été découvert seulement en 2010 par le neurologue hongrois Daniel Bereczki, professeur à University Medical School, Debrecen. (Référence : Berezki, Daniel, The description of all four cardinal signs of Parkinson’s disease in a Hungarian medical text published in 1690, Parkinsonism & Related Disorders, Volume 16, Issue 4, Elsevier, Canada, May 2010, pp 290-293)

Et enfin Parkinson

James Parkinson était le fils de John Parkinson, lui-même médecin chirurgien à Londres vers le milieu des années 1760 jusqu’à la fin des années 1780 où il céda son cabinet à son fils James. Celui-ci était d’ailleurs doté d’un esprit encyclopédique assez remarquable. C’était un véritable touche-à-tout. Ainsi, il déclarait à qui voulait l’entendre que tous les médecins devraient connaître la sténographie, méthode qu’il pratiquait lui-même pour écrire les dossiers de ses patients, ses articles scientifiques et ses livres.

De 1799 à 1817, le docteur Parkinson signa trois traités médicaux d’importance: le premier sur la goutte (1799), l’autre sur la péritonite et le troisième sur la paralysie tremblante (ou agitante, selon les sources). Son traité intitulé An Essay on the Shaking Palsy) parut à Londres en 1817 et fit histoire. Il y décrivait de façon claire et précise les symptômes de six patients souffrant de cette affection. Le plus surprenant est que le bon docteur n’examina réellement qu’un seul de ces patients. Pour les autres, il ne s’agissait que d’observations faites au hasard dans les rues.

Mais le docteur Parkinson voulait bien caractériser cette maladie, méconnue selon lui. Il écrivit: «Parmi les diagnostics incorrects, la confusion et l’emploi vague du terme de la paralysie tremblante, c’est Galien qui a marqué son caractère particulier par un terme approprié: catoche.» (Réf : Parkinson, James. An Essay on the Shaking Palsy, Sherwood, Neely and Jones, London, England 1817)

L’autre grand nom dans la description de la maladie de Parkinson est un neurologue français: Jean-Martin Charcot (1825-1893). Œuvrant à l’hôpital de la Salpêtrière à Paris, il y contribuera de manière remarquable à l’étude de la physiologie et de la pathologie du système nerveux. C’est donc plus de 60 ans plus tard, que ce célèbre médecin donnera le nom maladie de Parkinson à cette maladie en son honneur.

Les causes

Dès 1919, un médecin russe, le Dr Konstantin Tretiakof, grâce à des autopsies sur des patients atteints, montra que la maladie origine d’un mauvais fonctionnement de la partie la plus profonde du cerveau au niveau du tronc cérébral dans une région appelée locus niger ou encore substance noire. Il y observe une perte de neurones et une dépigmentation. En 1920, l’encéphalite épidémique de von Economo fait de nombreuses victimes, plusieurs de ceux qui y survivent se révèlent atteints de la maladie de Parkinson. Il devient alors possible de discerner entre la maladie de Parkinson (idiopathique) et le syndrome parkinsonien.

Et le remède

La dopamine est, toujours de nos jours, le remède principal utilisé contre la maladie de Parkinson. La paternité en revient au médecin suédois Arvid Carlsson. Lorsque ce chercheur parle pour la première fois du rôle de la dopamine dans le cerveau en 1957, il est pratiquement perçu dans la communauté scientifique comme un hérétique. 

À cette époque et jusqu’à la fin des années 1950, deux thèses pour expliquer le fonctionnement cérébral s’affrontaient. Il y avait les tenants de la thèse électrique qui étaient de loin les plus nombreux et qui croyaient que le signal nerveux voyageait entre les neurones par l’influx électrique. Il y avait aussi ceux, une très faible minorité, dont faisait bien sûr partie Carlsson, qui croyait que la chimie pouvait aussi y avoir un rôle à jouer. 

Mais il faut croire qu’il avait raison: en 2000, Arvid Carlsson, Paul Greengard et Eric R. Kandel se virent attribuer le Prix Nobel de Médecine ou de Physiologie pour leurs découvertes. En 1967, un chercheur autrichien, Oleh Hornykiewiez démontre que les personnes atteintes de la maladie de Parkinson présentent une perte massive de la dopamine. Mais la L-dopa était difficile d’administration, car il fallait utiliser de très fortes doses pour qu’une partie de celles-ci puissent atteindre les zones du cerveau visées et les résultats demeuraient mitigés. 

La même année, un autre pas sera franchi par le scientiste américain Georges C. Cotzias et son équipe. Au lieu d’administrer de fortes doses, ils eurent l’idée de fragmenter la dose en plusieurs traitements. Ainsi en donnant de faibles doses de L-dopa toutes les deux heures, ils réussirent à obtenir une disparition quasi complète des tremblements chez des patients souffrant de la maladie de Parkinson. Les lettres de noblesse de la Lévidopa étaient dès lors signées.

La lévidopa était devenue et demeure le traitement de première ligne contre la maladie de Parkinson. C’est un détour historique de plus de 8 000 ans entre la médecine ayurvédique qui traitait le Kampavata avec le haricot de velours (contenant de la Lévidopa) et la médecine moderne qui administre aux personnes souffrant de la maladie de Parkinson le Lévidopa. Comme quoi, la vérité finit toujours par s’imposer…

Article publié sur : www.quebec.huffingtonpost.ca

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