L’odorat et la maladie de Parkinson !
Notre nez sait distinguer des millions de molécules odorantes, mais avec l’âge, il perd un peu de son acuité. Cela n’est pas dramatique en soi. Mais cette perte de performance pourrait aussi représenter quelque chose de plus sérieux.
Johannes Frasnelli enseigne à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). Son expertise concerne l’odorat et les troubles Parkinson.
« Les deux grandes maladies neurodégénératives, la maladie de Parkinson et la maladie d’Alzheimer, affectent l’odorat. La raison n’est pas claire. On sait cependant que les deux maladies affectent la partie du cerveau responsable du traitement de l’information olfactive », explique-t-il.
Mais il y a quelque chose d’encore plus étrange. « Si on pense à un patient avec la maladie de Parkinson, typiquement, on pense à quelqu’un qui a des tremblements. Or, 60 à 75 % seulement des patients ont des tremblements. Les autres ont d’autres problèmes moteurs », poursuit le chercheur, qui est aussi titulaire de la Chaire de recherche de l’UQTR en neuroanatomie chimiosensorielle.
Mais ce qu’on sait beaucoup moins, c’est que 90 à 95 % des patients avec la maladie de Parkinson ont un trouble de l’odorat. Et ce qui est très important, c’est que ce trouble de l’odorat survient environ 10 à 15 ans avant les autres symptômes moteurs…… (Johannes Frasnelli)
La perte d’odorat constitue donc le premier symptôme de la maladie. Voilà un point de départ intéressant pour mener une recherche originale.
« Nous avons eu l’idée de développer des moyens de dépistage de la maladie de Parkinson en nous basant sur des tests de l’odorat. Le problème, c’est que le trouble de l’odorat est très, très commun. À peu près une personne sur cinq a un problème d’odorat. Une personne sur 20 ne sent rien du tout. Et c’est clair que tous ces gens-là ne vont pas développer la maladie de Parkinson », explique le chercheur.
La question est simple : le trouble de l’odorat chez le parkinsonien est-il différent? Si oui, comment le différencier? Le professeur Frasnelli et la doctorante en sciences biomédicales Cécilia Tremblay travaillent sur cette question depuis quelques années. Et ils ont déjà identifié quelques pistes de réponse.
Pour mieux comprendre leur découverte, il faut savoir que l’odorat se compose de deux systèmes indépendants. Le premier, bien connu, est le système olfactif. Il permet de percevoir une odeur, un parfum.
Le second système, appelé système trigéminal, joue quant à lui un rôle totalement différent. Il procure les sensations associées aux odeurs, comme la fraîcheur de la menthe et de l’eucalyptus ou le brûlant de la sauce wasabi.
Or, rapidement, durant ses travaux, l’équipe Frasnelli-Tremblay observe quelque chose de particulier. Les volontaires non parkinsoniens aux prises avec un problème d’odorat ont non seulement perdu l’usage du système olfactif, mais aussi celui du système trigéminal.
Chez les volontaires parkinsoniens, c’est différent. Ces derniers ont perdu leur capacité à percevoir les odeurs, mais leur système trigéminal, lui, semble intact. « Donc, le piquant va toujours rester piquant, contrairement aux patients qui ont perdu l’odorat pour une autre raison. La fraîcheur, les parkinsoniens vont toujours la percevoir avec autant d’intensité », mentionne M. Frasnelli.
L’intuition du professeur est bonne. La perte de l’odorat du parkinsonien est différente. Mais il doit poursuivre son exploration. « Il faut développer des tests qui sont beaucoup plus précis que les tests que nous avons faits jusqu’à présent », dit-il.
On n’est pas encore rendus à dire, voilà, nous avons un moyen de dépistage. Par contre, nous savons maintenant qu’il existe une spécificité et qu’il faut l’explorer davantage….. (Johannes Frasnelli)
Les chercheurs préparent justement la troisième phase de l’étude. Si tout se déroule comme prévu, ce printemps, une soixantaine de participants seront soumis à un examen d’imagerie par résonance magnétique.
Leur cerveau sera scruté. On saura alors comment ce dernier réagit à la présence d’odeurs.
Les troubles Parkinson sont complexes.
« On fait une petite partie, mais il y a d’autres équipes de recherche qui font d’autres parties et je pense que, dans l’ensemble, on va peut-être, à un moment donné, réussir à ralentir les progrès de la maladie ou peut-être même trouver des thérapies curatives tout court », conclut Johannes Frasnelli.
Article publié par Danny Lemieux sur: www.radio-canada.ca